CHRISTIANISME ET ACCULTURATION : LA MISSION
PRESBYTERIENNE AMERICAINE ET LES MUTATIONS SOCIORELIGIEUSES CHEZ LES
POPULATIONS DU SUD-CAMEROUN (1892-1957).
Par Samuel EFOUA MBOZO’O
Maître de conférences
Département d’Histoire (FALSH)
Université de
Yaoundé I
RESUME :
Parler du christianisme et
d’acculturation chez les peuples du Sud-Cameroun revient à parler non seulement
des changements de tous genres que ceux-ci ont connus au contact du colon et du missionnaire chrétiens, mais
aussi des phénomènes d’acculturation, c’est-à-dire de changement de culture,
que ces contacts ont entraînés ; c’est parler enfin de la réalité
socioreligieuse que vivent aujourd’hui ces populations, réalité dont on n’est
toujours pas très sûr du devenir.
L’Occident, après avoir traité
le Noir de « grand enfant », de « curiosité de la nature »
et de « bête de somme », s’est donné ensuite la mission sacrée de le
civiliser. Le colon et le missionnaire sont donc venus en Afrique pour
inculquer la civilisation à ces nègres sauvages et barbares. Conséquence :
tout l’univers socioreligieux africain fut transformé. C’est ce processus de
mutations dont nous esquissons les grandes lignes dans cet ouvrage. Mais le
sujet est vaste et multiforme. Aussi, nous sommes-nous limité au rôle joué par
la Mission presbytérienne américaine(MPA) dans les mutations socioreligieuses
des populations du Sud-Cameroun pendant la période de mandat français au
Cameroun
Mots-clés : Mission presbytérienne américaine et
Sud-Cameroun ; christianisme et acculturation-Cameroun, Religion et
mutations sociales et religieuses.
Abstract :
This paper examines the process of conversion
into Christianity of the peoples of South Cameroon and evaluates the social and
religious impact thereof. In short, it examines specific questions inherent to the
conversion of these peoples:
-Who were they?
-What was their traditional religious
life?
-What there any change in their life
following the introduction of Christianity?
-Who were these American
missionaries?
-What were the strategies they used in
converting these peoples into Chris-
tianity?
-What were the social and religious
consequences of their becoming Chris-
tians?
In a word, the paper shows that, by
the time the American Presbyterian Mission withdrew from Cameroon in 1957, the
religious and social world of the peoples of South Cameroon was already in the
process of undergoing a radical change.
Keywords: American Presbyterian
Mission,Cameroon; Christianity,social and religious change;Cameroon,social and
religious change.
INTRODUCTION
A l’aube
du XXe siècle, un grand mouvement de conversion religieuse a fait des
populations du Sud Cameroun (Bulu, Fang, Mvaé, Ntumu, Basa’a, Ngumba, Bafia Bene,
Yebekolo etc.) des adeptes de la religion chrétienne. Les missionnaires
presbytériens américains, entre autres, œuvrèrent à cette conversion avec plus
ou moins de succès.
En effet, à l’exception des
peuples de la côte, ceux de l’hinterland du Sud-Cameroun n’étaient pas, jusqu’en
1892, en contact direct avec les commerçants blancs et administrateurs
coloniaux bien que le Cameroun fût un protectorat allemand depuis 1884.
C’est le missionnaire
presbytérien américain, Adolphe Clemens Good, qui fut parmi les premiers
occidentaux à explorer l'hinterland du Sud-Cameroun entre 1892 et 1894. Il créa
la première station de la mission à Nkoñemekak (Efulan) en 1893.
Dekar P. Richard rapporte dans
sa thèse[1] que,
en 1913, un certain Johannes Duplessis visita la mission presbytérienne du
Cameroun alors qu’il collectait des informations pour un livre qu’il préparait sur
le christianisme en Afrique[2].
Duplessis aurait été « très
impressionné » par
l’organisation multidimensionnelle de la mission presbytérienne américaine au
Cameroun. Il rapporta que la stratégie de la Mission de faire de l’Africain
quelqu’un qui a confiance en lui-même et qui est autosuffisant en matière d’évangélisation
a débouché sur un certain nombre d’entreprises sociales et religieuses[3].
Les missionnaires américains
baptisèrent les six premiers chrétiens
Bulu (première tribu de l'hinterland camerounais à être évangélisée) en 1900. « Mais
les années qui suivent témoignent d’une grande activité et de succès[4]. En
effet, de 1901 à 1925, date à laquelle les Bulu se lancèrent à la conquête des
tribus avoisinantes pour les évangéliser à leur tour, la mission accrut de 1.
546 à 32 492 membres communiants et 47 164 catéchumènes. Le nombre de
missionnaires passa de 31 à 86 répartis en 9 stations[5].
La seule station d ‘Elat, créée
en 1901, avait en 1914 plus de 2000 (deux mille) membres, une « liste d’attente »
de 15 000 (quinze mille) et une fréquence moyenne aux offices trimestriels du
saint sacrement d’environ 7000 (sept mille )[6]:
« Elat, avec ses foules considérables qui se rassemblent dans sa grande
église est devenue très populaire dans les dernières annales
missionnaires »[7].
Par ailleurs, et de l’avis même
des missionnaires, le modèle de vie chrétienne d’un niveau élevé et le zèle
évangélique des chrétiens Bulu essaimant dans tous les coins du territoire
camerounais pour porter la parole de Dieu à leurs frères de race firent
croire à un « miracle camerounais »[8]: « son
succès, écrit le regretté professeur Engelbert Mveng, fut tel que bientôt le protestantisme
sera considéré, pour longtemps, comme la religion naturelle des Bulu… »[9].
Confronté à de telles
prétentions, l’historien voudrait savoir si la thèse selon laquelle l’activité
et le succès de la Mission presbytérienne américaine au Sud Cameroun sont
l’aboutissement logique d’un processus de conversion religieuse est fondée ou
non. Par ailleurs, l’historien voudrait savoir s’il est né quelque chose
d’authentique, et si oui, quels ont été l’enchaînement et la dynamique des
événements. Pour tout dire, l’historien voudrait savoir comment et pourquoi une
nouvelle situation sociale et religieuse est née.
En effet, s’il est possible que
les statistiques mentionnées plus haut soient l’expression d’une nouvelle
situation sociale et religieuse chez ces peuples, il n’en demeure pas moins
qu’elles ne nous expliquent pas comment et pourquoi est née cette situation.
Aussi, pour comprendre la
nouvelle vie socioreligieuse de ces peuples,
importe-t-il d’abord d’étudier l’ancienne. Qui étaient ces populations
avant l’arrivée des Américains ? En quoi consistait leur vie religieuse
traditionnelle ? (1ere partie). Ensuite, il est nécessaire de
connaître qui étaient ces missionnaires presbytériens américains ? Quelles
stratégies ont-ils adopté pour convertir ces peuples au christianisme ? (2ème
partie). Enfin, nous évaluons les résultats de la mutation sur les plans social
et religieux (3ème partie).
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