samedi 18 février 2012

CHRISTIANISME ET ACCULTURATION



CHRISTIANISME ET ACCULTURATION : LA MISSION PRESBYTERIENNE AMERICAINE ET LES MUTATIONS SOCIORELIGIEUSES CHEZ LES POPULATIONS DU SUD-CAMEROUN (1892-1957).

            Par Samuel EFOUA MBOZO’O

                                                        Maître de conférences

                                                  Département d’Histoire (FALSH)
                                                       Université de Yaoundé I
RESUME :

Parler du christianisme et d’acculturation chez les peuples du Sud-Cameroun revient à parler non seulement des changements de tous genres que ceux-ci ont connus au contact  du colon et du missionnaire chrétiens, mais aussi des phénomènes d’acculturation, c’est-à-dire de changement de culture, que ces contacts ont entraînés ; c’est parler enfin de la réalité socioreligieuse que vivent aujourd’hui ces populations, réalité dont on n’est toujours pas très sûr du devenir.
L’Occident, après avoir traité le Noir de « grand enfant », de « curiosité de la nature » et de « bête de somme », s’est donné ensuite la mission sacrée de le civiliser. Le colon et le missionnaire sont donc venus en Afrique pour inculquer la civilisation à ces nègres sauvages et barbares. Conséquence : tout l’univers socioreligieux africain fut transformé. C’est ce processus de mutations dont nous esquissons les grandes lignes dans cet ouvrage. Mais le sujet est vaste et multiforme. Aussi, nous sommes-nous limité au rôle joué par la Mission presbytérienne américaine(MPA) dans les mutations socioreligieuses des populations du Sud-Cameroun pendant la période de mandat français au Cameroun


Mots-clés : Mission presbytérienne américaine et Sud-Cameroun ; christianisme et acculturation-Cameroun, Religion et mutations sociales et religieuses.
 Abstract :
            This paper examines the process of conversion into Christianity of the peoples of South Cameroon and evaluates the social and religious impact thereof. In short, it examines specific questions inherent to the conversion of these peoples:
          -Who were they?
          -What was their traditional religious life?
          -What there any change in their life following the introduction of Christianity?
          -Who were these American missionaries?
          -What were the strategies they used in converting these peoples into Chris-
             tianity?
          -What were the social and religious consequences of their becoming Chris-
              tians?
            In a word, the paper shows that, by the time the American Presbyterian Mission withdrew from Cameroon in 1957, the religious and social world of the peoples of South Cameroon was already in the process of undergoing a radical change.
Keywords: American Presbyterian Mission,Cameroon; Christianity,social and religious change;Cameroon,social and religious change.


INTRODUCTION

            A l’aube du XXe siècle, un grand mouvement de conversion religieuse a fait des populations du Sud Cameroun (Bulu, Fang, Mvaé, Ntumu, Basa’a, Ngumba, Bafia Bene, Yebekolo etc.) des adeptes de la religion chrétienne. Les missionnaires presbytériens américains, entre autres, œuvrèrent à cette conversion avec plus ou moins de succès.
En effet, à l’exception des peuples de la côte, ceux de l’hinterland du Sud-Cameroun n’étaient pas, jusqu’en 1892, en contact direct avec les commerçants blancs et administrateurs coloniaux bien que le Cameroun fût un protectorat allemand depuis 1884.
C’est le missionnaire presbytérien américain, Adolphe Clemens Good, qui fut parmi les premiers occidentaux à explorer l'hinterland du Sud-Cameroun entre 1892 et 1894. Il créa la première station de la mission à Nkoñemekak (Efulan) en 1893.
Dekar P. Richard rapporte dans sa thèse[1] que, en 1913, un certain Johannes Duplessis visita la mission presbytérienne du Cameroun alors qu’il collectait des informations pour un livre qu’il préparait sur le christianisme en Afrique[2]. Duplessis aurait été « très impressionné » par l’organisation multidimensionnelle de la mission presbytérienne américaine au Cameroun. Il rapporta que la stratégie de la Mission de faire de l’Africain quelqu’un qui a confiance en lui-même et qui est autosuffisant en matière d’évangélisation a débouché sur un certain nombre d’entreprises sociales et religieuses[3].
Les missionnaires américains baptisèrent les six premiers  chrétiens Bulu (première tribu de l'hinterland camerounais à être évangélisée) en 1900. « Mais les années qui suivent témoignent d’une grande activité et de succès[4]. En effet, de 1901 à 1925, date à laquelle les Bulu se lancèrent à la conquête des tribus avoisinantes pour les évangéliser à leur tour, la mission accrut de 1. 546 à 32 492 membres communiants et 47 164 catéchumènes. Le nombre de missionnaires passa de 31 à 86 répartis en 9 stations[5].
La seule station d ‘Elat, créée en 1901, avait en 1914 plus de 2000 (deux mille) membres, une « liste d’attente » de 15 000 (quinze mille) et une fréquence moyenne aux offices trimestriels du saint sacrement d’environ 7000 (sept mille )[6]: «  Elat, avec ses foules considérables qui se rassemblent dans sa grande église est devenue très populaire dans les dernières annales missionnaires »[7].
Par ailleurs, et de l’avis même des missionnaires, le modèle de vie chrétienne d’un niveau élevé et le zèle évangélique des chrétiens Bulu essaimant dans tous les coins du territoire camerounais pour porter la parole de Dieu à leurs frères de race firent croire à un « miracle camerounais »[8]: «  son succès, écrit le regretté professeur Engelbert Mveng, fut tel que bientôt le protestantisme sera considéré, pour longtemps, comme la religion naturelle des Bulu… »[9].
Confronté à de telles prétentions, l’historien voudrait savoir si la thèse selon laquelle l’activité et le succès de la Mission presbytérienne américaine au Sud Cameroun sont l’aboutissement logique d’un processus de conversion religieuse est fondée ou non. Par ailleurs, l’historien voudrait savoir s’il est né quelque chose d’authentique, et si oui, quels ont été l’enchaînement et la dynamique des événements. Pour tout dire, l’historien voudrait savoir comment et pourquoi une nouvelle situation sociale et religieuse est née.
En effet, s’il est possible que les statistiques mentionnées plus haut soient l’expression d’une nouvelle situation sociale et religieuse chez ces peuples, il n’en demeure pas moins qu’elles ne nous expliquent pas comment et pourquoi est née cette situation.
Aussi, pour comprendre la nouvelle vie socioreligieuse de ces peuples,  importe-t-il d’abord d’étudier l’ancienne. Qui étaient ces populations avant l’arrivée des Américains ? En quoi consistait leur vie religieuse traditionnelle ? (1ere partie). Ensuite, il est nécessaire de connaître qui étaient ces missionnaires presbytériens américains ? Quelles stratégies ont-ils adopté pour convertir ces peuples au christianisme ? (2ème partie). Enfin, nous évaluons les résultats de la mutation sur les plans social et religieux (3ème partie).

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