lundi 5 décembre 2016

LES CHEMINS ESCARPES DE L’INDEPENDANCE ET DE L’UNIFICATION DU CAMEROUN, PRELUDE A L’EDIFICATION D’UNE NATION


Par                                                 Samuel Efoua Mbozo’o
                                                       Maître de conférences
                                                       Département d´Histoire
                                                                Université de Yaoundé I
Résumé
1960-2010, 1961-2011 : cinquante années déjà que le Cameroun est indépendant et réunifié. Cinquante années, dans la vie d’un homme, c’est l’âge adulte, l’âge de la raison. Mais, dans la vie d’un pays, pourrait-on en dire autant ? On serait tenté de répondre par la négative, car l’édification d’une nation est une œuvre de longue haleine. « Rome ne s’est pas bâtie en un jour »ou encore « le temps n’aime pas ce qu’on fait sans lui » a-t-on coutume de dire pour exprimer l’idée selon laquelle rien de solide ne se construit sans le temps. Cela est également vrai pour le Cameroun.
 Nous nous proposons, dans cet article, de revisiter dans un premier temps la marche du Cameroun vers son indépendance et son unification en examinant le parcours spécifique de chaque élément du puzzle camerounais. Ensuite, nous analysons l’évolution institutionnelle, l’organisation et la mise en place  du nouvel Etat .Enfin, nous arrivons à la conclusion selon laquelle, cinquante ans après son indépendance et sa réunification, le Cameroun poursuit inexorablement sa marche vers l’édification d’une nation unie et prospère.

Mots-clés: Cameroun,indépendance et réunification ; Cameroun,institutions politiques ; Cameroun,territoire sous tutelle ; Cameroun,administration française ;Cameroun,administration britannique, Cameroun et Nations unies.
           



Introduction 
Protectorat allemand (1884-1916), Territoire sous mandat de la Société des Nations (1919-1945), Territoire sous tutelle de l’Organisation des Nations Unies (1946-1960/1961), le Cameroun, décidément, était voué à l’ “ internationalisme ”[1] en attendant son indépendance et sa réunification.

 la Première Guerre mondiale se termina au Cameroun le 20 février 1916 avec la capitulation de Mora. Les Allemands se réfugièrent en Guinée espagnole, territoire neutre comme la métropole, l’Espagne. Mais bien avant la fin de la guerre au Cameroun et à la suite de l’occupation de la ville de Douala par les forces alliées en septembre 1915, un condominium, sorte d’administration commune, spéciale et provisoire, fut établi entre les Français et les Anglais.
           
Aussitôt après le départ du dernier Allemand, les vainqueurs se partagèrent le butin de guerre. L’Accord du 4 mars 1916 mit fin au condominium et définit les frontières d’influence de la France et de la Grande Bretagne.[2]
           
Lors de la conférence des préliminaires de la paix tenue à Paris le 24 janvier 1919, on aborda la question des colonies. Si la non restitution à l’Allemagne de ses territoires fit l’unanimité des participants, la question du sort à assigner à ces territoires par contre fut diversement interprétée.
   
      
Pour le président américain Wilson, dans le 5e des 14 points qu’il énuméra devant le Congrès des Etats-Unis le 8 janvier 1918, il préconisa « un arrangement librement débattu, dans un esprit large et absolument impartial, de toutes les revendications coloniales, fondé sur la stricte observation du principe que, dans le règlement de ces question de souveraineté, les intérêts des populations en jeu pèseront d’un même poids que les revendications équitables du gouvernement dont le titre sera à définir »[3] Ce langage  a laissé croire que le Président Wilson avait en vue l’internationalisation des colonies allemandes avec leur administration confiée à la Société des Nations.
           
Les Alliés, par contre, étaient d’accord pour l’annexion pure et simple des colonies allemandes. Après plusieurs jours de discussions et de concessions  réciproques, un projet de “Covenant ” de la ligue des Nations fut publié le 13 février 1919. Son article 19 qui prévoyait le Mandat colonial devait devenir l’article 22 du Pacte de la SDN. Ce qui provoqua des protestations de la part des Anglais et Français qui ne souscrivirent pas à l’arrangement. Le projet du 13 février fut amendé et adopté à l’unanimité par la conférence de paix le 25 avril 1919.
           
Le Traité de Versailles signé le 28 juin 1919 fixa le sort réservé aux colonies allemandes. Conformément aux articles 118 et 119, “ l’Allemagne renonce en faveur des principales puissances alliées et associées à tous ses droits et titres sur ses possessions d’Outre-mer”. Mais, bien avant la signature du Traité de Versailles et en vue de la renonciation de l’Allemagne, le Conseil supérieur, représentant les principales puissances alliées et associées, avait pris, le 7 mai 1917, une décision répartissant les colonies sous le régime de mandat, en formules A, B et C, régime proposé par Smuts, représentant Sud-Africain. Le Cameroun se trouva classé sous la formule B regroupant les pays à revenus moyens.
           
Les Anglais et les Français, vainqueurs des Allemands au Cameroun, se virent ainsi confier le mandat sur ce dernier. Le 10 juillet 1919 à Londres, la France et le Royaume-Uni fixèrent les limites de leurs zones d’influence respectives et  demandèrent aussitôt l’application du régime de Mandat. Celle-ci intervint en juillet 1922 :
“ Ainsi, le Cameroun qui, depuis toujours, avait une vocation à l’internationalisme historique devenait la propriété privée et chasse gardée de deux puissances … ”[4]
           
Le Cameroun fut donc  divisé en deux entités administratives, française et britannique. Si la partie confiée à la France a gardé son unité territoriale et l’homogénéité de son administration jusqu’à l’indépendance le 1er janvier 1960, la partie confiée au  Royaume-Uni, par contre, a subi des modifications sur les plans territorial, politique et administratif. Cet héritage « colonial » a pesé et continue de peser sur l’évolution du Cameroun, cinquante après son indépendance et son unification.
           
Le présent article examine, dans un premier temps , le processus ayant conduit à l’indépendance du Cameroun et à son unification en accordant un intérêt particulier à l’évolution de chaque partie du puzzle camerounais ;il analyse ensuite l’évolution institutionnelle de ce pays et tire une conclusion provisoire sur l’avenir.                                                         

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