Par Samuel Efoua Mbozo’o
Maître
de conférences
Département d´Histoire
Université
de Yaoundé I
Résumé
1960-2010, 1961-2011 :
cinquante années déjà que le Cameroun est indépendant et réunifié. Cinquante
années, dans la vie d’un homme, c’est l’âge adulte, l’âge de la raison. Mais,
dans la vie d’un pays, pourrait-on en dire autant ? On serait tenté de
répondre par la négative, car l’édification d’une nation est une œuvre de
longue haleine. « Rome ne s’est pas bâtie en un jour »ou encore
« le temps n’aime pas ce qu’on fait sans lui » a-t-on coutume de dire
pour exprimer l’idée selon laquelle rien de solide ne se construit sans le temps.
Cela est également vrai pour le Cameroun.
Nous nous proposons, dans cet article, de
revisiter dans un premier temps la marche du Cameroun vers son indépendance et
son unification en examinant le parcours spécifique de chaque élément du puzzle
camerounais. Ensuite, nous analysons l’évolution institutionnelle,
l’organisation et la mise en place du
nouvel Etat .Enfin, nous arrivons à la conclusion selon laquelle,
cinquante ans après son indépendance et sa réunification, le Cameroun poursuit
inexorablement sa marche vers l’édification d’une nation unie et prospère.
Mots-clés: Cameroun,indépendance et réunification ; Cameroun,institutions politiques ; Cameroun,territoire sous tutelle ; Cameroun,administration
française ;Cameroun,administration britannique, Cameroun et Nations unies.
Introduction
Protectorat
allemand (1884-1916), Territoire sous mandat de la Société des Nations
(1919-1945), Territoire sous tutelle de l’Organisation des Nations Unies
(1946-1960/1961), le Cameroun, décidément, était voué à
l’ “ internationalisme ”[1] en
attendant son indépendance et sa réunification.
la Première
Guerre mondiale se termina au Cameroun le 20 février 1916
avec la capitulation de Mora. Les Allemands se réfugièrent en Guinée espagnole,
territoire neutre comme la métropole, l’Espagne. Mais bien avant la fin de la
guerre au Cameroun et à la suite de l’occupation de la ville de Douala par les
forces alliées en septembre 1915, un condominium, sorte d’administration
commune, spéciale et provisoire, fut établi entre les Français et les Anglais.
Aussitôt après
le départ du dernier Allemand, les vainqueurs se partagèrent le butin de
guerre. L’Accord du 4 mars 1916 mit fin au condominium et définit les
frontières d’influence de la
France et de la Grande
Bretagne.[2]
Lors de la
conférence des préliminaires de la paix tenue à Paris le 24 janvier 1919, on
aborda la question des colonies. Si la non restitution à l’Allemagne de ses territoires
fit l’unanimité des participants, la question du sort à assigner à ces
territoires par contre fut diversement interprétée.
Pour le
président américain Wilson, dans le 5e des 14 points qu’il énuméra devant
le Congrès des Etats-Unis le 8 janvier 1918, il préconisa « un arrangement librement débattu, dans un esprit large et absolument
impartial, de toutes les revendications coloniales, fondé sur la stricte
observation du principe que, dans le règlement de ces question de souveraineté,
les intérêts des populations en jeu pèseront d’un même poids que les
revendications équitables du gouvernement dont le titre sera à définir ». [3] Ce langage
a laissé croire que le Président Wilson
avait en vue l’internationalisation des colonies allemandes avec leur
administration confiée à la Société
des Nations.
Les Alliés,
par contre, étaient d’accord pour l’annexion pure et simple des colonies
allemandes. Après plusieurs jours de discussions et de concessions réciproques, un projet de “Covenant ” de la ligue des Nations fut publié le 13 février
1919. Son article 19 qui prévoyait le Mandat colonial devait devenir l’article
22 du Pacte de la SDN. Ce qui
provoqua des protestations de la part des Anglais et Français qui ne
souscrivirent pas à l’arrangement. Le projet du 13 février fut amendé et adopté
à l’unanimité par la conférence de paix le 25 avril 1919.
Le Traité de
Versailles signé le 28 juin 1919 fixa le sort réservé aux colonies allemandes.
Conformément aux articles 118 et 119, “ l’Allemagne
renonce en faveur des principales puissances alliées et associées à tous ses
droits et titres sur ses possessions d’Outre-mer”. Mais, bien avant la
signature du Traité de Versailles et en vue de la renonciation de l’Allemagne,
le Conseil supérieur, représentant les principales puissances alliées et
associées, avait pris, le 7 mai 1917, une décision répartissant les colonies
sous le régime de mandat, en formules A, B et C, régime proposé par Smuts,
représentant Sud-Africain. Le Cameroun se trouva classé sous la formule B
regroupant les pays à revenus moyens.
Les Anglais et
les Français, vainqueurs des Allemands au Cameroun, se virent ainsi confier le
mandat sur ce dernier. Le 10 juillet 1919 à Londres, la France et le Royaume-Uni
fixèrent les limites de leurs zones d’influence respectives et demandèrent aussitôt l’application du régime
de Mandat. Celle-ci intervint en juillet 1922 :
“ Ainsi, le Cameroun qui, depuis
toujours, avait une vocation à l’internationalisme historique devenait la propriété privée et chasse gardée de
deux puissances … ”[4]
Le Cameroun
fut donc divisé en deux entités administratives,
française et britannique. Si la partie confiée à la France a gardé son unité
territoriale et l’homogénéité de son administration jusqu’à l’indépendance le 1er
janvier 1960, la partie confiée au
Royaume-Uni, par contre, a subi des modifications sur les plans
territorial, politique et administratif. Cet héritage « colonial » a
pesé et continue de peser sur l’évolution du Cameroun, cinquante après son
indépendance et son unification.
Le présent article examine, dans un
premier temps , le processus ayant conduit à l’indépendance du Cameroun et à
son unification en accordant un intérêt particulier à l’évolution de chaque
partie du puzzle camerounais ;il analyse ensuite l’évolution
institutionnelle de ce pays et tire une conclusion provisoire sur l’avenir.
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